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Pourquoi la mode est-elle accro au pétrole ?

Polyester - WE ARE CLEAN - CLEAN FASHION

Si l’on vous dit que la mode est accro au pétrole, vous pensez probablement aux millions de kilomètres parcourus par les textiles, récoltés en Afrique/Amérique latine, traités en Asie et revendus en Europe/Etats-Unis. Et bien c’est loin d’être le pire, selon un rapport de l’association Changing Markets Foundation paru en février 2021. Ce rapport de 45 pages, intitulé “Fossil Fashion : The Hidden Reliance of Fashion on Fossil Fuels” (« La mode fossile : la dépendance cachée de la mode aux combustibles fossiles »), qui a mis en exergue la dépendance de l’industrie de la mode – et surtout de la Fast Fashion – au pétrole. Il alerte sur la part croissante de fibres synthétiques dans nos vêtements, notamment le polyester, et sur ses conséquences environnementales.

Si bien que cette étude rebaptise la Fast Fashion en Fossil Fashion.

Le polyester, dans plus de la moitié de nos vêtements

Ce rapport, qui s’appuie sur plus de 150 références de cabinets de conseil, d’institutions et d’organisations non gouvernementales, apprend que l’Industrie de la mode est de plus en plus dépendante des fibres synthétiques, et donc du pétrole. Si ces textiles sont utilisés dans les chaussures, les tapis ou encore les meubles, les vêtements représentent de loin le premier débouché pour les fabricants de fibres synthétiques (70 % du marché mondial des fibres synthétiques en 2019). Or, avec l’essor de la Fast Fashion, qui produit des vêtements à bas prix, l’utilisation des fibres synthétiques a doublé au cours de ces vingt dernières années. Et quand on parle de fibres synthétiques dans les vêtements, on parle avant tout de polyester. Faites un tour dans vos armoires et regardez les étiquettes : il y a fort à parier que vous trouviez le polyester sur la moitié des compositions. Apprécié pour sa résistance, son élasticité, son faible pouvoir absorbant ou encore ses propriétés anti-UV, on trouve du polyester partout : dans les vêtements de sport, les maillots de bain, les vêtements d’été.

Aujourd’hui, le polyester est dans plus de la moitié des textiles produits dans le monde. L’année 2020 a été un jalon : pour la première fois, les volumes de polyester utilisés dans les vêtements ont dépassé ceux du coton. Et cette part devrait encore augmenter : les fibres synthétiques (qui incluent aussi l’acrylique, l’élasthanne, le Lycra) pourraient représenter 70% de la production mondiale de fibres en 2030 et le polyester représenterait alors 85% de cette part.

Le polyester, une matière gloutonne en pétrole

Le polyester est un dérivé de pétrole, énergie fossile non renouvelable. Il faut 1,5 kg de pétrole pour créer 1 kg de polyester. 45 millions de tonnes de polyester ont été produites en 2020.

En 2015 pour la COP21, le Huffpost publiait un article sur l’impact environnemental de l’industrie textile dans lequel on pouvait lire que 70 millions de barils de pétrole sont nécessaires, chaque année, à la fabrication des fibres de polyester par l’industrie textile. 

Si bien que l’industrie de la mode consomme, à elle seule, 1,35% de la production mondiale de pétrole pour la production de fibres synthétiques.

Selon Urska Trunk, Directrice de campagne de Changing Markets Foundation : « Peu de consommateurs sont conscients du fait que la fast fashion est en réalité la « fossil fashion ». L’addiction des marques de mode au polyester bon marché et autres fibres dérivées du pétrole intervient à un moment où le monde délaisse progressivement les énergies fossiles. Mais au lieu d’abandonner les fibres synthétiques, qui constituent un désastre écologique, les marques veulent que vous pensiez qu’elles ont la situation bien en main et qu’elles peuvent continuer de produire toujours plus de vêtements ».

Une empreinte carbone en expansion

Outre les conséquences sur l’environnement – les microplastiques déversés dans les océans à chaque lavage, notamment – l’association rappelle qu’en 2015, l’empreinte carbone liée à la production du polyester représentait 700 millions de tonnes de CO2, “soit l’équivalent des émissions annuelles du Mexique ou de 180 centrales électriques à charbon”. Et cette empreinte carbone devrait doubler d’ici la fin de la décennie. En effet, les procédés de production de ces fibres synthétiques sont de plus en plus polluants, avec des matières premières issues du gaz obtenu par fracturation hydraulique. De plus, Hengli, l’un des principaux producteurs de polyester chinois, a annoncé en juin 2020 vouloir investir 20 milliards de dollars dans la fabrication de fils de polyester à partir du charbon. 

La mode, peu encline à l’utilisation de fibres synthétiques recyclées

Si quelques marques responsables produisent désormais à partir de polyester recyclé pour réduire leur empreinte carbone, le phénomène reste très marginal, et pour cause ! “Actuellement, moins de 1% des vêtements sont recyclés pour en faire de nouveaux, et la part de polyester recyclé est en déclin”, affirme le rapport. Cette dernière représentait 14% en 2019, selon le rapport de Textile Exchange Preferred Fiber & Materials Market Report 2020. Elle passerait à 7,9 % de la production totale de polyester d’ici à 2030, selon les données 2021 du cabinet Tecnon OrbiChem. Plus globalement, selon Changing Markets Fundation, la filière ne prend pas assez en compte l’économie circulaire dans sa production, continuant d’utiliser des mélanges très peu recyclés et recyclables.

Concurrence sur le PET

Le polyéthylène téréphtalate (PET), la résine utilisée pour produire la fibre polyester (mais aussi les bouteilles d’eau), est désormais très convoitée dans sa version recyclée. Les contraintes réglementaires liées à la fin de l’usage du plastique unique en Europe, obligent les multinationales produisant boissons et biens de consommations (notamment les cosmétiques) à s’approvisionner dans cette résine recyclée, engendrant une hausse des prix. Face à ces prix dissuasifs, l’industrie du textile fait le choix du PET vierge, beaucoup moins cher.

En conclusion, ce rapport demande à l’Union européenne de mettre un frein à la surproduction de la « fast fashion ». La solution pourrait être la mise en place d’une réglementation concernant la production des textiles synthétiques, à la manière de celle concernant les plastiques à usage unique ?

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