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Les crèmes solaires peuvent-elles être clean ?

Crème solaire clean - WE ARE CLEAN - CLEAN BEAUTY

Accusés d’être mauvais pour la faune et la flore marine, et parfois même pour l’homme, les produits solaires sont pointés du doigt ces dernières années. Ce ne sont pas de simples cosmétiques puisqu’ils relèvent d’un problème de santé publique, la protection de la peau face aux rayons solaires. Peuvent-ils être clean ? Peut-on s’en passer ?

Les écologistes et amoureux des océans vouent les crèmes solaires aux gémonies, les dermatologues préconisent au contraire d’appliquer des écrans protecteurs à longueur d’année quand certaines influenceuses incitent à ne plus les utiliser du tout pour protéger la planète. Et 92% des Français souhaitent que les produits solaires soient plus respectueux de l’environnement.

Entre les filtres chimiques accusés d’être des perturbateurs endocriniens et pour certains, de détruire les massifs coralliens, et le problème des nanoparticules dans les écrans minéraux, le sujet est épineux.

Autant le dire tout de suite, le produit solaire clean n’a pas encore vu le jour. Car c’est un produit éminemment complexe à formuler, qui répond à la fois à un problème de santé et à une nécessité d’apporter du plaisir pour une bonne observance, c’est-à-dire utilisation régulière. D’ailleurs, s’il est considéré en Europe comme un cosmétique – mais avec une réglementation très stricte -, c’est un « quasi-drug » au Japon et un OTC (Over the counter/médicament vendu sans ordonnance) aux Etats-Unis et au Canada, au même titre que le paracétamol par exemple.

Les filtres au banc des accusés

Les produits solaires sont suspectés de polluer les eaux et de tuer les coraux, mais aussi d’être des perturbateurs endocriniens.

Certains filtres chimiques bannis pour leur impact environnemental

Les filtres chimiques absorbent l’énergie des UV et couvrent l’ensemble du spectre solaire : UVB, UVA, UVA longs et lumière bleue. S’ils filtrent les UV sur la peau, ils le font aussi dans l’eau. Ainsi, les milliers de tonnes de filtres solaires non-biodégradables déversés annuellement dans les eaux de baignade empêchent les rayons du soleil d’atteindre les fonds marins et perturbent les organismes qui y vivent.

  • Les filtres chimiques interdits dans des zones touristiques :

L’archipel de Palau a été le premier, en 2020, à bannir dix composants dont l’oxybenzone (Benzophénone-3 sur la liste Inci) et l’octinoxate (éthylhexyl méthoxycinnamate), deux filtres chimiques également proscrits à Hawaï depuis le 1er janvier 2021. Des territoires possédant des récifs coralliens, comme les îles Vierges américaines ou la République des îles Marshall, ont aussi interdit l’octocrylène. Parfois, l’utilisation de toute crème solaire est prohibée, notamment pour visiter certains gouffres et grottes au Mexique ou encore à Lifou en Nouvelle-Calédonie.
De nombreuses études ont en effet montré que ces filtres avaient un impact négatif sur les organismes marins. Pour n’en citer que quelques-unes : en décembre 2018, une étude menée par des chercheurs français a révélé que l’octocrylène s’accumulait dans les coraux sous la forme de dérivés d’acides gras et pouvait interférer avec leurs métabolismes. Une nouvelle étude française de mars 2021 démontre que l’octocrylène se transforme en benzophénone par une réaction chimique dès sa production, et que sa concentration augmente systématiquement avec le temps dans les produits finis. De plus, une étude publiée en 2015 par des chercheurs de l’Université de Tel Aviv a révélé que l’oxybenzone – ou benzophénone- déforme la morphologie des larves de corail en endommageant leur ADN.

  • Une interdiction à relativiser

Les conditions expérimentales de ces études sont la plupart du temps très éloignées de ce qui se passe dans la réalité, car l’exposition aux produits chimiques est généralement extrême – courte et intense à la fois – et ne reproduit pas les conditions en milieu naturel corallien. La méthode de référence pour tester les effets des lotions solaires consiste à prélever de petits échantillons de corail, les apporter en laboratoire, et les exposer à des concentrations variées de crème solaire (ou à leurs composants). On mesure ensuite la quantité d’algues relâchées, la couleur des coraux, le nombre de survivants, etc.

De fait, ce n’est pas tant la quantité de crème solaire appliquée lorsqu’on se baigne qui est néfaste, mais la somme globale de filtres qui se retrouvent dans l’eau, provenant de multiples utilisations de ces substances (dans l’alimentaire, la construction, etc.). Ainsi, les concentrations de benzophénone trouvées dans les échantillons prélevés dans les aires de baignade des plages en Californie sont bien plus faibles que celles mesurées dans des sédiments prélevés près des sorties d’égouts -où personne ne se baigne- et celles utilisées pour détecter leurs impacts négatifs en laboratoire. Donc, si les lotions solaires jouent un rôle dans la décoloration du corail en milieu naturel, c’est une action mineure comparée aux impacts massifs du réchauffement des masses d’eau, de leur acidification, des rejets des eaux usées mal retraitées, de la pollution plastique et des rejets carbonés.

Quid des perturbateurs endocriniens ?

L’autre grande accusation qui pèse sur les filtres chimiques est celle de la perturbation endocrinienne. On le répète, rien n’est prouvé, car c’est très difficile à démontrer. Cependant, sont suspectés parmi les filtres chimiques : avobenzone, ethylhexyl methoxycinnamate (octinoxate), benzophénone-1 et -3 (oxybenzone), octocrylène, 4-methylbenzylidene camphor (4-MBC) et homosalate. Selon les normes fixées par la réglementation européenne, les quantités appliquées, circonscrites à quelques mois par an, ne sont pas problématiques. Mais rejetés dans les eaux, non filtrés par les stations d’épuration, ils sont ingérés par les organismes vivants qui finissent dans notre assiette.

Les écrans minéraux, vraiment inoffensifs ?

La réglementation européenne autorise deux filtres solaires minéraux : le Titanium Dioxyde / Dioxyde de Titane et le Zinc Oxyde / Oxyde de Zinc. On les appelle écrans minéraux, car ils agissent comme des pare-soleil, formant comme des petits miroirs collés les uns aux autres à la surface de la peau qui renvoient la lumière. Les marques de produits solaires bio affirment qu’ils sont sans danger pour l’homme et l’environnement et donc une alternative saine aux filtres chimiques. Et pourtant…

  • Pas si bons pour l’environnement

Des tests ont révélé que l’exposition à l’oxyde de zinc perturbe la photosynthèse des algues qui vivent dans les tissus coralliens, ce qui les décolore. Certaines marques conventionnelles et d’autres certifiées bio l’ont donc exclu de leurs produits. De plus, oxyde de zinc et dioxyde de titane ne sont pas biodégradables et ont tendance à s’accumuler dans les milieux aquatiques.

Autre souci, les écrans minéraux contiennent tous une quantité non-négligeable de ces deux substances sous forme de nanoparticules – des particules extrêmement fines – qui peuvent pénétrer les barrières biologiques. Une étude de l’Université de Wageningen, aux Pays-Bas, a ainsi observé que ces éléments microscopiques perturbent le comportement alimentaire et la reproduction des moules. On sait aussi qu’ils modifient le code génétique de certains poissons, empêchant leur reproduction. D’autres études avancent que les nanoparticules pourraient être toxiques pour les planctons.

  • Un risque pour l’homme ?

Le dioxyde de titane (nano-particulaire ou non) est classé comme cancérigène possible depuis 2006 par l’OMS, en cas d’inhalation à haute dose. C’est pourquoi il doit être manipulé avec précaution par les formulateurs et personnels de fabrication.

Autre souci : on a souvent reproché aux produits solaires à base de minéraux d’être épais et blancs. Et pourtant, ce n’est pas parce qu’ils paraissent plus couvrants que ces produits protègent mieux. En effet, là où les solaires conventionnels associent entre 3 et 7 filtres pour obtenir un système filtrant qui couvre l’ensemble du spectre solaire (UVB, UVA, lumière bleue), en bio, seuls l’oxyde de zinc et le dioxyde de titane sont autorisés. Difficile alors – d’autant plus si on ne les utilise pas sous la forme nano – d’obtenir une protection uniforme et hautement efficace, notamment sur les UVA longs (qui pénètrent plus profondément dans la peau). Sous cette forme non nano, c’est-à-dire plus grosse, ils ne couvrent pas complètement la peau, car ils ont tendance à créer des « amas ». Et sous forme en partie – pour obtenir des formules plus fluides et transparentes – ils deviennent potentiellement toxiques, surtout pour les peaux particulièrement perméables : eczéma, post-épilation, microcoupures ou coups de soleil !
Enfin, la mention n’est obligatoire qu’au-delà de 10%. Donc en réalité, toutes les crèmes solaires minérales contiennent au moins un peu de nanoparticules.

Des formules en grande évolution

Conscients de l’impact écologique et humain de leurs formules, les spécialistes du solaire ont enclenché un travail de recherche pour améliorer leurs produits.

Optimiser la teneur en filtres

Depuis une dizaine d’années, les leaders du solaire revoient leurs formules. Au fur et à mesure des études et découvertes, ils évitent certains filtres décriés. Ils améliorent aussi les synergies entre les filtres afin de réduire leur nombre, mais aussi leur concentration dans les crèmes solaires. Là où on trouvait – et on trouve encore chez certains – sept filtres associés, certaines marques ont réussi à ne plus en utiliser que trois au quatre pour une même efficacité protectrice. Et à faire passer la concentration dans la formule globale à moins de 20%.

Ces mêmes laboratoires essaient de n’utiliser que des filtres non-solubles dans l’eau, afin que ceux-ci ne se répandent pas dans les océans.

Améliorer la formule globale

On vient de le voir, les filtres ne représentent que 20 à 30% d’une formule. Il est donc important de regarder ce qu’il y a autour : silicones, huiles minérales, molécules éthoxylées (finissant par eth), alcool, parabènes. Là encore, de plus en plus de fabricants retirent les ingrédients néfastes pour l’environnement, soit parce qu’ils sont d’origine pétrochimique et bio accumulatifs (huiles minérales, silicones), soit parce qu’ils perturbent les écosystèmes comme les silicones volatiles (cyclypentasiloxane, cyclohexasiloxane, BHT).

En parallèle, ils créent des produits finis les plus waterproof possible, pour qu’ils se répandent le moins possible dans l’eau.

Parfaire la biodégradabilité

Tourisme - WE ARE CLEAN - CLEAN BEAUTY

D’une façon ou d’une autre, le produit solaire se retrouve dans les océans. Ainsi, 25% de la crème solaire se répandrait dans l’eau après 20 minutes de baignade. Et comme il en reste toujours un peu sur la peau le soir, le reste y va indirectement après la douche via les eaux usées. Chaque année, l’activité touristique génère ainsi le rejet de près de 25 000 tonnes de produits solaires dans les eaux des pays tropicaux, dont 4000 tonnes dans les zones de corail.
C’est pourquoi les fabricants ont aussi revu leur copie concernant la biodégradabilité de leurs produits, jusqu’à afficher des taux de biodégradabilité au-delà de 90%.

Enfin, la « non-écotoxicité » est désormais testée en laboratoire sur des algues, coraux et planctons par des centres d’études océaniques : l’Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer, l’Institut méditerranéen de biodiversité et écologie, le Centre Scientifique de Monaco.

Des packs avec moins de plastique

Au-delà des formules, on sait que l’autre souci des produits solaires, ce sont les tonnes de bouteilles plastiques qui envahissent les plages et se retrouvent dans les océans. Même si ce sont avant tout des bouteilles d’eau ou de soda qui souillent les plus beaux endroits de la planète, l’industrie cosmétique est consciente de sa nécessaire participation à l’effort collectif en réduisant sa consommation de plastique vierge (plastique nouvellement produit).

C’est pourquoi nombre de grands groupes proposent désormais des flacons en plastique recyclable et partiellement ou 100% recyclé. Quand on a fini son bidon de crème, on le jette donc dans la poubelle de recyclage (dans les pays où le recyclage est effectif). La start-up Carbios innove avec des bouteilles en PET recyclable à l’infini grâce à un procédé enzymatique. En ce qui concerne les tubes, on a vu le premier tube recyclable partiellement en carton, réduisant ainsi de 45% son poids en plastique. Tout n’est pas donc pas encore parfait, mais on avance.

Le solaire, une question de santé publique

Même s’ils ne sont pas irréprochables, les produits solaires ne sont pas des cosmétiques comme les autres. Ils répondent à besoin de santé publique.

Le soleil, un danger pour la santé

Plus de 100 000 nouveaux cas de cancers cutanés sont recensés chaque année en France, dont 15 500 mélanomes (Panorama des cancers en France 2021). Selon L’OMS, l’incidence du mélanome et des autres cancers cutanés a augmenté au cours des dernières décennies (avec un taux d’incidence qui double tous les 10 ans dans les pays à population caucasienne). À l’heure actuelle, entre 2 et 3 millions de cancers cutanés non mélanocytaires et 132 000 mélanomes malins sont enregistrés chaque année dans le monde. Un cancer diagnostiqué sur trois est un cancer de la peau d’après les Skin Cancer Foundation Statistics. Le soleil et ses rayons ultra-violets sont les grands responsables.

Mais le soleil a d’autres effets néfastes visibles sur la peau, beaucoup plus répandus : coups de soleil, allergies solaires, kératoses actiniques, taches, photo-vieillissement.

La meilleure protection : vêtements et ombre

ombre et vêtements - WE ARE CLEAN - CLEAN BEAUTY

Évidemment, la meilleure protection solaire reste le tee-shirt ou vêtement ample, le chapeau, les lunettes de soleil et encore rester à l’ombre. En cas d’exposition, elle doit être la plus courte possible, aux heures les moins chaudes. Mais il reste les balades, les randonnées, les séances de sport ou de jardinage où certaines parties du corps exposées doivent être protégées (nez, oreilles, cou, décolleté, mains, chevilles).

Une protection solaire indispensable

crème solaire - WE ARE CLEAN - CLEAN BEAUTY

La protection solaire est donc non négociable lors de l’exposition. Et par exposition, on entend toute activité en extérieur entre mai et septembre. Mieux vaut appliquer un produit solaire 4 mois par an que risquer brûlure, allergies, taches, kératose actinique (lésion rouge et rugueuse liée à une surexposition, une des premières causes de consultation chez les dermatologues) ou cancer. Alors, on choisit un soin solaire en adéquation avec ses convictions, ses goûts en matière de galénique (huile, spray, lait) et on adopte un comportement responsable en s’exposant peu et en portant lunettes de soleil, tee-shirt ou robe. C’est ce qu’on appelle le bénéfice/risque.

Une réglementation qui réduit les possibilités d’évolution

Il existe peu de marques qui fabriquent des produits solaires par rapport à celles qui fabriquent du maquillage ou du soin. Et au fil des années, on voit même des laboratoires abandonner ce segment. C’est dire la difficulté à formuler de façon correcte et efficace ces produits qui ne supportent pas la facilité. Quant à faire son produit solaire maison, hors de question !

Une liste positive de filtres dans les différentes réglementations

Les produits solaires étant soumis à une obligation de résultats bien plus importante qu’une crème hydratante ou un shampooing, ils sont encadrés par une réglementation bien plus stricte. L’une d’entre elles est la liste positive de filtres UV autorisés.

Les produits de protection solaire appartiennent à la famille des produits cosmétiques, et sont soumis au règlement européen CE N° 1223/2009. L’annexe VI de ce règlement autorise à l’heure actuelle une trentaine de filtres, évalués par le Comité Scientifique Européen pour la Sécurité des Consommateurs, et indique leur concentration maximale admise. Les laboratoires doivent impérativement piocher dans cette liste positive pour formuler tout soin revendiquant une action protectrice contre les UV.

La difficulté à faire enregistrer de nouveaux filtres

Afin d’améliorer la qualité des filtres et faire évoluer la protection solaire, de nombreux laboratoires planchent sur de nouveaux procédés de protections, filtres ou autres. Mais ils se heurtent à plusieurs obstacles de taille :

  • La complication à trouver de nouvelles molécules efficaces, notamment quand on cherche la naturalité avec des ingrédients tirés du végétal et non plus de la pétrochimie.
  • Le temps, car il faut plusieurs années pour en tester à la fois l’efficacité, l’innocuité et la non toxicité.
  • Une fois ces étapes dépassées, il reste à franchir la barrière réglementaire, la lenteur et parfois le protectionnisme administratif. Le groupe Pierre Fabre, qui vient de mettre sur le marché un nouveau filtre en 2021, a mis près de dix ans à le faire enregistrer dans la liste européenne. Quant à la FDA, l’instance américaine commence seulement à se pencher sur sa liste de filtres autorisés datant de 1974, bien avant que l’on découvre les effets délétères des UVA ou qu’on se préoccupe de l’environnement ! Sans oublier la réticence de cet organisme envers les filtres venus de laboratoires non-américains !

Dans un tel contexte, on comprend la difficulté à innover dans le domaine de la protection solaire et surtout pourquoi certains laboratoires, adeptes du « clean » baissent les bras, insatisfaits par les réponses qu’ils pourraient apporter dans l’immédiat.

Si le soin solaire vraiment clean n’existe toujours pas, de grands pas ont été franchis du côté de l’efficacité protectrice et de l’écoresponsabilité.

Quels progrès entre les produits du début des années 2000 et ceux d’aujourd’hui – et que dire des flacons de Monoï sans protection des années 70 ! -. On peut donc espérer, d’ici quelques années, une conception de formules plus propres, plus écologiques et plus saines, réconciliées avec les filtres (s’ils existent encore).

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