Le gluten fait couler beaucoup d’encre !
La question qui se pose : exclure le gluten, est-ce bénéfique ou pas ? Pour les personnes qui ont vraiment une allergie avérée au gluten, la réponse est oui. Mais pour les autres, effet de mode ou alimentation clean et futée ? Les réponses d’une experte diététicienne.
Les allergiques au gluten, c’est ce qu’on appelle les personnes cœliaques.
Intolérantes au gluten, elles souffrent d’une maladie intestinale chronique et auto-immune. Pour elles, seule une alimentation sans gluten est thérapeutique. Pour d’autres, c’est plutôt une affaire de mode qui suscite aussi beaucoup la curiosité des foodistas et autres chefs hype. Quand c’est utile, c’est juste formidable. Quand ça ne l’est pas, on peut se demander si c’est vraiment légitime. Pour y voir clair, le point avec Sarah Marin-Maire, diététicienne et co-fondatrice du site Make Me Healthy.
Pourquoi Sarah ?
Sarah Marin-Maire, diététicienne, a créé Make Me Healthy en 2016 avec une amie, Colette, pour proposer des rééquilibrages alimentaires éthiques tels qu’elles auraient aimé les trouver dans la jungle de la nutrition santé. Avec un vrai objectif : dépoussiérer le métier de diététicienne. Le succès est au rendez-vous ! Make Me Healthy, c’est une équipe de diététiciennes diplômées qui proposent des consultations par téléphone et via leur application (Apple Store et Google Play). Gourmands de tous horizons, réjouissez-vous, car les expertes proposent plus de 650 recettes sur l’appli !
Le sans gluten est-il un sujet santé et nutrition qui vous préoccupe ?
Tout ce qui touche à la nutrition m’intéresse et le sujet du « sans gluten » me tient particulièrement à cœur. En tant que diététicienne, notre rôle est d’épauler les consommateurs. Et j’utilise ce terme de « consommateurs » volontairement car les produits sans gluten se sont énormément développés ces dernières années, entrainant la baisse de leur coût. Il est possible de les retrouver en magasin bio, en magasin spécialisé mais également en supermarché, à des prix plus abordables qu’il y a une dizaine d’années. C’est un point positif ! Toutefois, ils étaient à la base créés pour les personnes souffrant de la maladie cœliaque et aujourd’hui ils sont commercialisés à l’attention de tous ! La communication autour de ces produits fait malheureusement croire que même si l’on ne souffre d’aucune pathologie, il est meilleur d’éviter le gluten pour sa santé. Les consommateurs ont donc besoin d’être guidés, conseillés et épaulés dans ce domaine.
Et du coup, on se retrouve tenté d’exclure le gluten alors qu’on n’en n’a pas besoin ?
Oui, cela amène de la restriction alimentaire sans aucune raison. D’autant plus que les consommateurs se posent de plus en plus de questions sur leur alimentation et souhaitent avoir des réponses. En dehors d’un cas pathologique, il vaut mieux éviter les produits industriels et transformés plutôt que de fuir le gluten !
Selon vous, le sans gluten, c’est pour qui et pourquoi ?
Une alimentation sans gluten est prévue pour les personnes souffrant d’intolérance au gluten. C’est une pathologie qui doit être diagnostiquée par un médecin. La maladie cœliaque est une réelle pathologie qui entraine des douleurs, des complications, et surtout un traitement à vie. Cette maladie inflammatoire chronique auto-immune est provoquée par un antigène alimentaire (la gliadine du gluten), dont les patients souffrent à vie et qui implique donc un traitement / régime alimentaire à vie. La maladie se manifeste par une atrophie des villosités de la paroi intestinale qui entraine une hyperperméabilité de la paroi et provoque une malabsorption digestive. Les symptômes de la maladie cœliaque apparaissent dès l’ingestion, même minime, de gluten : diarrhée, fatigue, perte de poids (cassure de la courbe de poids et rachitisme chez l’enfant), anémie, trouble de la coagulation (carence en vitamine K). À cette liste de symptômes s’ajoute celle des complications de la maladie : ostéopénie, ostéomalacie, ostéoporose, carences, dénutrition, lymphome de l’intestin grêle, retard de croissance… Les personnes qui souffrent de la maladie cœliaque ne font pas le choix d’une alimentation sans gluten par « confort ». Cette dernière est indispensable et ces malades ne peuvent, en aucun cas, s’accorder des écarts.
Il y a donc une grande différence entre les personnes cœliaques et celles qui font le choix du sans gluten par confort ? Que conseillez-vous aux uns et aux autres ?
Oui et notre rôle est d’épauler, conseiller et rassurer les patients qui souffrent de la maladie cœliaque. Lorsque le diagnostic est posé, ils se retrouvent désemparés car ils perdent tous leurs repères dans leur routine alimentaire. Il faut leur proposer une alimentation adaptée, leur communiquer les aliments à éviter totalement, ceux qui sont recommandés et adapter leur alimentation, jusqu’à trouver celle qui leur convient le mieux.
Pour les patients qui choisissent une alimentation sans gluten par confort, même si nous respectons leur choix, nous leur rappelons que cette alimentation correspond à une réelle pathologie et que la suppression du gluten entraine de nombreuses restrictions, puisque le gluten est partout. Cette alimentation impacte également la vie sociale : sorties au restaurant, dîners en famille, entre amis… On voit de nombreux patients qui suivent un régime sans gluten, non pas par confort, mais simplement parce que c’est un sujet d’actualité. Puisque ce régime sans gluten est recommandé partout, au moindre mal, les personnes pensent bien faire en l’adoptant.
Certains doivent être soulagés après votre diagnostic ?
Oui ! Imaginez le soulagement lorsqu’une diététicienne leur assure qu’ils peuvent à nouveau consommer du pain, sans risquer de mettre en danger leur santé !
Y a-t-il une solution pour trouver un entre-deux ? Un équilibre ?
Suivre un régime sans gluten par alternance (par exemple semaine / week-end) n’a pas réellement d’intérêt. L’organisme ne comprend pas pourquoi il en est privé d’un seul coup et sur une certaine période, alors que sur une autre période, il absorbe intensivement baguettes, pizza, gâteaux, crêpes, etc. Enfin, nous devons expliquer que la problématique n’est pas le gluten en soit (quand il s’agit de confort) mais le nouveau gluten ! Le gluten est une masse protéique composée de deux groupes, les prolamines et les gluténines. La prolamine est le composant toxique pour les personnes souffrant de la maladie cœliaque. Elle se trouve dans le blé, l’orge, l’avoine, le seigle et le triticale (croisement entre blé et seigle). L’avoine est parfois tolérée par certaines personnes intolérantes au gluten, mais il faut effectuer des tests pour s’en assurer. Le gluten qui pose problème et qui doit être évité est celui des céréales développées par l’Homme au cours de ces dernières années, via des manipulations génétiques. Les agronomes ont créé des céréales « plus performantes », avec un rendement et un coût de production optimisés pour faciliter leur utilisation industrielle. En effet, le gluten est un liant qui facilite la fabrication des produits à base de céréales. D’où la sélection de céréales très riches en gluten qui ont vu leur structure modifiée en profondeur. Et ce sont ces modifications qu’il faut pointer du doigt et éviter.
Alors, comment manger du bon gluten ?
L’idéal est de s’orienter vers des céréales anciennes (ou non transformées) et complètes comme le petit épeautre, le kamut, l’épeautre, l’amarante, le millet, le quinoa, le seigle, le boulgour, issues de l’agriculture biologique. Penser également à leur version sous forme de farine pour les crêpes, gâteaux, gaufres, pancakes, pâtes à tartes, pains. Ainsi, vous évitez l’excès de gluten dans les céréales modifiées. Si ces variétés ont un rendement plus faible, elles présentent de nombreux avantages : plus goûteuses, une agriculture sans engrais et sans désherbage, une densité nutritionnelle riche et une quantité de gluten faible. Si les variétés anciennes disposent d’un gluten qualifié faible ou peu élastique, les variétés de céréales modernes ont un gluten fort ou très élastique (plus « pratique » à travailler). Et c’est justement cette caractéristique
qui provoque la sensibilité au gluten ou les désagréments/inconforts. D’où le rôle d’une diététicienne pour vous aider à vérifier que votre alimentation est équilibrée et permet à votre organisme de bénéficier de tous les nutriments et de toute l’énergie dont il a besoin pour être en bonne santé.
Y a-t-il des personnes pour qui le « sans gluten » est déconseillé ou a minima inutile ?
Les aliments étiquetés « sans gluten » sont inutiles pour les personnes ne souffrant pas d’intolérance. Parfois même déconseillé car lorsque l’on souffre de maladie cœliaque, il est préférable de consommer des céréales naturellement dépourvues de gluten, plutôt que d’acheter des produits « sans gluten ». Tout simplement parce que le gluten (qui sert, entre autres, de liant) est remplacé dans ces produits par des graisses transformées, d’autres ingrédients et additifs peu recommandés pour votre santé ! Donc effectivement cela peut être déconseillé pour les personnes ne souffrant d’aucune pathologie et consommant quasiment exclusivement ce type de produits ultra-transformés « sans gluten » (pains, pâtes, gâteaux…). Nous déconseillons également ces produits aux personnes intolérantes au gluten, mais ces dernières sont souvent bien mieux renseignées, de par leur suivi thérapeutique, qu’un consommateur lambda.
C’est facile de manger sans gluten ?
À la maison, oui bien sûr ! Cela demande simplement de bien connaître les céréales naturellement sans gluten. C’est un peu plus délicat au restaurant ou lorsqu’on est invité. Ainsi, en termes de céréales, il est possible de consommer du riz complet, du riz rouge, du riz noir, du maïs, du sarrasin, du manioc, de l’amarante, du tapioca, du millet, du quinoa, du sorgho, de la patate douce, de la pomme de terre, de l’igname et leur version sous forme de farines (pains, gâteau, pâtes, pâtes à tarte, pancakes, crêpes…) ou de semoules et flocons. Il y a également la grande famille des légumineuses : pois chiches, haricots rouges, haricots blancs, pois cassés, lentilles corail, lentilles blondes… Comme pour tout le monde, l’idéal est de sélectionner des produits bruts, issus de l’agriculture biologique, de saison et locaux, que vous cuisinerez maison.
Avez-vous des astuces et des recettes faciles sans gluten ?
SABOT, le mot magique ! Il vous suffit de penser à une licorne et vous saurez quelles céréales contiennent du gluten. Seigle, Avoine, Blé, Orge, Triticale (croisement entre blé et seigle).
Retrouvez les recettes de Sarah sur le site MakeMeHeathy.com
Nous, on a craqué pour la pizza au quinoa, le curry vert aux légumes, la fondue de poireaux au lait de coco et butternut, et en dessert, le brownie à la noisette sans cuisson ou encore le banana bread.