Si la mode prend un tournant de plus en plus écoresponsable, le mouvement semble encore minoritaire pour ce qui est des chaussures. Il faut dire que les alternatives sont encore rares, et réservées à des séries limitées ou des marques pas encore mainstream.
Le premier constat, lorsqu’on cherche à se chausser responsable et durable, c’est que la chose n’est pas aisée. Si l’alternative écoresponsable a gagné du terrain en ce qui concerne les sneakers et autres baskets de ville – beaucoup moins pour les vraies chaussures de sport, très techniques – les bottines, sandales, et autres chaussures de ville, elles, restent plus difficiles à trouver. Il faut traquer les étiquettes, aller sur les sites des marques pour comprendre leur politique de sourcing et de fabrication.
La chaussure, un produit complexe
Il existe deux raisons essentielles au fait qu’il est plus compliqué de trouver une chaussure éco-responsable qu’un tee-shirt ou un jean.
- Une chaussure est un assemblage complexe d’éléments et de matières, et peut comprendre jusqu’à 40 composants différents, parfois sans informations sur la provenance ni sur les conditions d’assemblage.
- Une chaussure doit être robuste, doit résister au temps, à la météo (pluie), aux éléments (boue, asphalte), aux chocs et frottements répétés liés aux pas. Autant dire qu’il lui faut des matières elles aussi robustes. Le cuir et ses imitations, comme le PET, restent difficilement remplaçables pour atteindre ce but. Or, ce sont des matières à forte empreinte carbone… L’équation est donc difficile à résoudre. Et pourtant certains s’y attellent.
Des matières plus durables
Evidemment, la première chose à laquelle on pense pour définir une chaussure durable est la ou les matières qui la composent. Celles-ci doivent être plus écologiques. Quelles sont les alternatives ?
Le Cuir certifié LWG
De plus en plus de marques se tournent vers des cuirs provenant de tanneries européennes, situées en Italie, en Espagne, au Portugal et en Allemagne, certifiées LWG. Le Leather Working Group est composé des principales parties prenantes de la filière du cuir: marques, fournisseurs, revendeurs, ONG et autres associations qui travaillent ensemble afin de s’accorder sur un protocole environnemental commun. L’objectif est d’aligner les industriels du secteur sur un certain nombre d’obligations environnementales et sociétales et de promouvoir des pratiques managériales et commerciales durables, en lien avec la protection de l’environnement. Non seulement les peaux sont traitées sans chrome et produits toxiques, mais il y a une politique de sourcing, de gestion de l’eau et des déchets, en plus d’une politique sociétale envers les employés.
Le cuir à tannage végétal
Le tannage, l’étape qui consiste à transformer une peau encore putrescible en cuir, matériau imputrescible et résistant, utilise les sulfates de chrome dans plus de 80% des tanneries, surtout celles installées en Inde ou au Bengladesh. Le cuir à tannage végétal, est un cuir d’origine animal dont le tannage est réalisé avec des extraits végétaux (bois, écorces, racines, feuilles). Il prend en revanche plus temps : de 10 jours à 8 semaines.
Les cuirs végétaux ou alter-cuir
Les cuirs végétaux sont tirés de feuilles d’ananas (Pinatex®), de champignon (Muskin®) ou de pommes (l’Appleskin®). Quelques marques proposent désormais des gammes entières de chaussures vegan, et certaines grandes marques comme Carel, ont créé un modèle au moins
En cuir upcyclé
Il est encore très rare, mais quelques marques utilisent du cuir recyclé ou upcyclé, à partir de chutes, de stocks dormants ou de peaux non utilisées par d’autres marques.
Les matières plastiques recyclées
Les chaussures dites vegan sont pour la plupart fabriquées à partir de PVC vierge, donc pas du tout écologiques. Il faut donc faire attention à ce que ce plastique soit au moins recyclé, ce qui se fait de plus en plus, comme les bottes de pluie trendy Lemon Jelly. On trouve aussi désormais, notamment chez la marque AllBirds, un matériau type EVA (le matériau utilisé dans presque toutes les semelles de chaussures) à base de canne à sucre, utilisé là aussi pour les sandales de plage en plastique
Les semelles recyclées
Certaines semelles de chaussures sont désormais à base de pneus de voiture. Comme les bouteilles d’eau font d’excellent pulls, les pneus, après transformation, font des semelles solides. Les semelles des chaussures Bobbies sont elles, composées à 70% de caoutchouc recyclé et à 30% d’hévéa naturel et proviennent d’une usine écologiquement engagée.
Une fabrication européenne
Il ne suffit pas que les matériaux soient plus éco-friendly pour faire des chaussures responsables. Il est aussi intéressant qu’elles soient fabriquées en circuits-courts, et non en Asie du Sud-Est. De nombreuses marques font désormais attention au sourcing et font de nouveau fabriquer dans d’anciens fleurons européens de la chaussure, au savoir-faire longtemps reconnu : Portugal, Espagne, Italie, quand ce n’est pas à Romans-sur-Isère, haut lieu de la chaussure en France (Kélian, Charles Jourdan) jusqu’il y a 20 ans. Certaines jeunes pousses, comme Madame Pied, Un si Beau Pas ou 1083, ont redonné de l’élan à cette capitale historique de la chaussure française.
Quelques exemples de marques écoresponsables :
Tous leurs modèles ne le sont pas toujours, ou ils ne remplissent pas forcément tous les éléments du cahier des charges avec une partie de la chaussure pas encore écoresponsable, ou une fabrication hors Europe (au Maghreb souvent), mais ces marques ont fait de gros efforts et se démarquent des chaussures massivement produites en Asie, ou avec des cuirs classiques et toxiques.
Voici une liste non exhaustive de marques qui se rapprochent fortement du chaussant écoresponsable et durable. Elles sont pour beaucoup Françaises et proposent des modèles fashion : Bobbies, Jules & Jenn, M. Moustache, Craie, Sabots YouYou, Carel, Kleman, Etre Amis, les Portugaises Minuit sur Terre ou NAE (No Animal Exploitation), évidemment l’Anglaise Stella Mc Cartney (en partie propriété de LVMH), l’Américaine Allbirds aux chaussures certifiées B Corp, WRAP et SMETA.
On le voit, les alternatives existent, et de jeunes marques – comme pour les vêtements – commencent à les mettre en avant, même si tout n’est pas parfait. En effet, le produit est complexe et il est encore difficile de répondre à tous les aspects du cahier des charges, à un coût acceptable par le consommateur qui plus est !