Il est parfois difficile pour nous, occidentaux, de faire ce triste constat : le réchauffement climatique est bien une des 3 grandes causes de la faim dans le monde, après les guerres et les crises économiques. Pour bien comprendre, il faut étudier l’impact du réchauffement sur les écosystèmes liés à la production alimentaire, le pillage des ressources dont l’eau, et les effets des catastrophes climatiques sur l’augmentation des prix de la production agricole et la stabilité des populations les plus fragiles.
Crise alimentaire et dérèglement climatique
Selon un rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’évolution du climat et ses dérèglements sont aujourd’hui une des causes les plus graves de la faim dans le monde. Un lien d’ailleurs reconnu par l’Accord de Paris. Les changements climatiques impactent très négativement la crise alimentaire, avec des rapports directs avec le réchauffement climatique. En effet, toutes les nouvelles perturbations climatiques inédites viennent aggraver les crises préexistantes. Ainsi, plus de 800 millions de personnes dans le monde souffrent de la faim, un chiffre qui continue à augmenter, et qui continuera tant que les populations vulnérables ne pourront pas s’adapter à ces changements climatiques. Si rien n’est fait, ce sont près de 600 millions de personnes de plus qui pourraient subir le manque d’eau et de nourriture d’ici à 2080, selon le Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD). Si aucune mesure de réduction des gaz à effet de serre n’est véritablement mise en place à l’échelle mondiale, les dérèglements climatiques et le réchauffement rendront l’accès à la nourriture de plus en plus difficile.
Instabilité climatique et économique
Le climat évolue plus vite que les populations n’arrivent à s’adapter, si bien qu’elles sont dans une extrême vulnérabilité. Quand les variations climatiques deviennent extrêmes, les conséquences le sont aussi. En effet, les effets négatifs des changements climatiques transforment les espaces naturels : dégradation des terres, élévation du niveau de la mer, zones désertiques qui avancent, rendent impossible la culture de terres qui étaient fertiles. Ailleurs, les zones se redessinent en fonction des inondations toujours plus graves, faisant suite à des tempêtes de plus en plus fréquentes, et à des saisons des pluies qui se décalent, avec des périodes de mousson parfois dévastatrices. Ces évènements déclenchent des perturbations économiques qui aggravent l’incapacité des populations à faire face. L’instabilité climatique entraine l’instabilité économique, une nouvelle cause de faim à l’origine d’une insécurité alimentaire durable. C’est le cas particulièrement quand la population ne peut plus vivre de son agriculture comme avant, et qu’elle n’a pas accès à d’autres sources d’aliments.
Phénomènes météorologiques extrêmes et catastrophes climatiques
On parle beaucoup du réchauffement climatique, mais au-delà de l’augmentation des températures qui entraine la fonte des glaces et des sécheresses importantes, il faut aussi noter le dérèglement du climat et la recrudescence catastrophique des phénomènes climatiques extrêmes : vagues de froid inattendues qui brisent les récoltes, tempête, cyclones et pluies diluviennes ou au contraire périodes de canicules de plus en plus fréquentes. Ces évènements extrêmes détruisent les habitations et affaiblissent la productivité agricole, en particulier pour les « grandes cultures » essentielles comme celles du riz, blé ou encore maïs. Quand les récoltes sont mauvaises, on manque de nourriture et les prix augmentent alors que les revenus tirés de l’agriculture baissent. Or, sans ressources directes, les familles sont alors obligées d’acheter de la nourriture produite ailleurs ce qui est bien plus couteux. C’est un cercle vicieux que vivent les agriculteurs dans des zones à risques secouées par les épisodes climatiques chaotiques. Déjà très vulnérables dans ces régions du monde, ces agriculteurs locaux sont privés de leur source de revenus, d’accès à la nourriture et à toutes autres ressources quand l’eau potable vient à manquer. La corrélation est aujourd’hui établie entre l’exposition des pays aux variations climatiques extrêmes et de températures, et la faim : près de 80% des personnes sujettes à la faim vivent dans les régions propices aux phénomènes météorologiques extrêmes.
Productions agricoles en danger
Le réchauffement climatique et son corollaire d’épisodes météo extrêmes aggravent les difficultés déjà présentes. Le fragile système agricole est menacé par une baisse de productivité, la destruction des récoltes mais aussi des sols ce qui compromet l’avenir aussi… Car si l’augmentation des températures et la sécheresse peuvent s’anticiper, ces variations climatiques violentes et imprévisibles laissent les agriculteurs traditionnels démunis faute d’infrastructures suffisantes pour compenser les pertes. Ce sont les pays en voie de développement qui sont les plus menacés et qui connaissent aujourd’hui le « stress alimentaire ». Leur situation précaire, leurs récoltes menacées par la moindre variation climatique, les sols appauvris, asséchés, précipitent les communautés les plus démunies dans une insécurité alimentaire voire vers la famine. Cette fragilité est accentuée par la pression financière continue sur les petits producteurs à cause de la concurrence et des variations de prix sur les marchés financiers.
L’eau, précieuse et meurtrière
Le paradoxe ? On manque d’eau dans de très nombreuses régions du monde, même en Europe parfois certaines zones doivent rationner l’eau. Et pourtant, les inondations font partie des catastrophes qui abiment le plus une région. Quant à leur alternance, elle est dévastatrice. En 2016, le courant côtier baptisé El Nino, véritable anomalie climatique qui dérange la circulation des courants et qui a des impacts au niveau mondial, a décalé l’arrivée des précipitations printanières en Somalie. L’alternance subite de pluies et de sécheresse a eu un impact foudroyant sur les plantations, la fertilité des terres et la survie du bétail qui souffre de la soif, s’affaiblit et devient impossible à conserver ou à vendre. Les inondations dévastatrices entrainent souvent des catastrophes sanitaires. Cyclones et tempêtes rendent l’eau impure et devant le manque d’eau potable les populations n’ont d’autre choix que de s’en contenter ce qui entraine la diffusion de bactéries et des épidémies telles que le choléra. C’est ensuite le manque d’hygiène, lié à l’absence d’eau, qui fait basculer les populations dans des situations dramatiques, les forçant à se déplacer et à devenir des réfugiés climatiques.
Les conséquences en chaîne du réchauffement climatique
On l’a vu, déjà à l’échelle locale, le réchauffement climatique et les phénomènes extrêmes entrainent déjà une cascade d’effets qui conduisent à la faim et à la migration des populations touchées. Il pourrait y avoir près de 150 millions de réfugiés climatiques d’ici 2050 si les conséquences du réchauffement ne sont pas endiguées en particulier en Afrique subsaharienne, Amérique Latine et Asie du sud. Mais il y a aussi un maillage d’effets pervers du aux variations climatiques brutales. Quand les petits agriculteurs ruraux subissent la sécheresse ou l’inondation de leurs cultures, ils n’ont plus les moyens d’envoyer les enfants à l’école. Ils vont ainsi les déscolariser pour qu’ils aident la famille aux champs, ou qu’ils assurent le ravitaillement en eau. Lors d’un ouragan, quand les terres et les maisons sont inondées, quand le bétail périt, les familles qui n’ont plus rien et qui courent des risques doivent partir. A cause de la faim, ces catastrophes sont aussi le théâtre de problèmes de sécurité, de pillages, de dangers et de violences pour survivre, et la loi du plus fort à vite fait de faire basculer des régions entières dans la famine et le chaos. La faim et le manque de ressources provoquent des conflits qui peuvent dégénérer en guerre civile ne faisant qu’accentuer la détresse des populations.
Comment préserver les récoltes ?
L’ensemble des habitants de la Terre vont devoir, où qu’ils habitent, s’adapter à des changements parfois brutaux au cours des prochaines décennies. Les populations les plus fragiles sont, très injustement, celles qui auront le moins participé à l’accélération du réchauffement climatique, mais qui en souffriront le plus. Et c’est encore elles qui devront faires les plus gros efforts de résilience et d’adaptabilité sur le plan alimentaire : repenser ses ressources et ses moyens de subsistance, transformer les habitudes, l’habitat, les méthodes agricoles… de nombreuses ONG participent à ces transformations en dispensant des formations en agroécologie pour fournir aux populations locales les bases d’une agriculture résiliente à long terme. Il faut aider ces peuples à mieux gérer les terres agricoles en restaurant la richesse des sols, en diversifiant les cultures, et en renforçant les infrastructures. La mise en place de constructions de biens communautaires aidera la communauté à résister aux événements climatiques prochains (création de ponts, de barrages, de systèmes d’irrigation), pour sécuriser les récoltes. En Afrique, de simples bacs fermés ont permis de préserver les grains de la sécheresse et réduire considérablement les pertes des récoltes dues au manque d’eau.
Le réchauffement climatique et ses dérèglements catastrophiques auront un retentissement terrible sur l’accès à la nourriture et les récoltes dans le monde. Heureusement, il existe des solutions. La mise en place d’une agriculture vertueuse et raisonnée, sera également bien utile en Europe où les épisodes météo extrêmes ont aussi un impact dramatique dans certaines régions.
Si l’agroécologie répond concrètement à l’insécurité alimentaire, c’est en limitant le réchauffement climatique que l’on pourra éviter la famine à de nombreux peuples déplacés ou réfugiés climatiques. Mais il n’y a pas de miracle. Ce sont les pays riches qui doivent absolument changer leurs habitudes car ils sont, à travers leur consommation effrénée, responsables du réchauffement climatique.