Tout a commencé en 2005 avec les parabènes, et la liste s’est allongée au fil des années. Les ingrédients jugés suspects le sont pour diverses raisons. Voici la liste, non exhaustive, de ces principaux composants au cœur de la polémique et à bannir dans les cosmétiques.
Avant tout, rappelons qu’en France, les cosmétiques sont soumis à la réglementation européenne, très stricte et en constante évolution au fil des études menées par des groupes de scientifiques au sein du CSSC (Comité Scientifique Européen pour la Sécurité des Consommateurs). De plus, les fabricants et les marques, sensibilisés par l’opinion – et soucieux de vendre – devancent bien souvent la législation en éliminant les ingrédients qui font polémique. D’autre part, il faut distinguer pourquoi ces ingrédients sont mis sur la sellette. Certains posent problème car ils ne sont pas écologiques, d’autres parce qu’ils peuvent provoquer des irritations ou allergies. Et enfin, il y a ceux qu’on soupçonne d’être des perturbateurs endocriniens ou cancérigènes.
Le BHT
Si le BHA, classé « cancérogène possible » par le Centre international de recherche contre le cancer (Circ), reprotoxique et perturbateur endocrinien n’est quasiment plus présent dans les compositions cosmétiques, le BHT est encore répandu. Également utilisé comme antioxydant pour protéger les corps gras des formules du rancissement et les parfums de l’oxydation, il est suspecté comme le BHA d’être allergisant, sensibilisant, neurotoxique et d’être un perturbateur endocrinien oestrogénique, responsable de problèmes de fertilité masculine. Enfin, il serait persistant dans l’organisme et l’environnement. L’Anses a saisi les autorités européennes afin qu’il soit réévalué.
Le Dioxyde de titane
En alimentaire, le dioxyde de titane, ou additif E171, est interdit depuis le 1er janvier 2020. Une étude de l’Inra (Institut national de recherche agronomique) laissait en effet craindre que sa forme « nano » soit cancérigène par ingestion et inhalation. En cosmétique, le dioxyde de titane, d’origine minérale, est utilisé comme pigment blanc dans le maquillage, comme opacifiant et surtout comme filtre dans les crèmes solaires (il est autorisé en bio, même sous sa forme nano). Sur la peau, il ne pose aucun souci. Il est cependant interdit dans les poudres et sprays et pose problème pour les personnes qui le formulent.
Les Filtres solaires chimiques
Pas question de s’en passer, vu l’augmentation massive de cancers de la peau depuis 30 ans. Pourtant, certains filtres chimiques sont sur la sellette, et ce pour diverses raisons. La première des accusations est celle de la perturbation endocrinienne. Même si rien n’est prouvé, sont suspectés de l’être : avobenzone, ethylhexyl methoxycinnamate (octinoxate), benzophénone-1 et -3 (oxybenzone), octocrylène, 4-methylbenzylidene camphor (4-MBC) et homosalate.
De plus, une étude sur l’octocrylène, publiée dans la revue Chemical Research in Toxicology en mars 2021 et conduite par des chercheurs de l’Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer (Sorbonne Université/CNRS), démontre que ce filtre se transforme en benzophénone – autre filtre potentiellement cancérigène et perturbateur endocrinien – par une réaction chimique dès sa production, et que la concentration augmente systématiquement avec le temps dans les produits finis. De nombreuses marques ont ainsi ôté l’octocrylène de leurs produits en 2022, celui-ci étant déjà mis en cause dans une allergie croisée avec les traitements au kétoprofène.
Cependant, selon les normes fixées par la Réglementation européenne, les quantités appliquées, circonscrites à quelques mois par an, ne sont pas problématiques. Mais rejetés dans les eaux, non filtrés par les stations d’épuration, ils sont ingérés par les organismes vivants qui finissent dans notre assiette…
Car c’est là l’autre grief, et non des moindres : l’effet des filtres solaires chimiques sur l’environnement. En effet, s’ils filtrent les UV sur la peau, les filtres chimiques le font aussi dans l’eau. Ainsi, les milliers de tonnes de filtres non-biodégradables déversés annuellement dans les eaux de baignade empêchent les rayons du soleil d’atteindre les fonds marins et perturbent les organismes qui y vivent.
De nombreuses études ont montré que ces filtres avaient un impact négatif sur les organismes marins : en décembre 2018, une étude menée par des chercheurs français a révélé que l’octocrylène s’accumulait dans les coraux sous la forme de dérivés d’acides gras et pouvait interférer avec leur métabolisme. Une étude publiée en 2015 par des chercheurs de l’Université de Tel Aviv a révélé que l’oxybenzone – ou benzophénone- déforme la morphologie des larves de corail en endommageant leur ADN. Certains filtres chimiques ont ainsi été interdits dans des zones touristiques : l’archipel de Palau a été le premier, en 2020, à bannir dix composants dont l’oxybenzone (Benzophénone-3 sur la liste Inci) et l’octinoxate (éthylhexyl méthoxycinnamate), deux filtres chimiques également proscrits à Hawaï depuis le 1er janvier 2021. Des territoires possédant des récifs coralliens, comme les îles Vierges américaines ou la République des îles Marshall, ont aussi interdit l’octocrylène. Parfois, l’utilisation de toute crème solaire est prohibée, notamment pour visiter certaines cenotes (gouffres/grottes) au Mexique ou encore à Lifou en Nouvelle-Calédonie.
Les Huiles minérales
Issue de la distillation du pétrole après séparation des hydrocarbures combustibles légers (gaz, essence, fuel), les huiles minérales, sous les noms Inci parafinium liquidium, cera microcristallina, synthetic wax, vaseline…, sont des éléments inertes. On les utilise aussi bien pour apporter glissant et brillance aux produits de maquillage que pour former une barrière émolliente filmogène dans des produits de soin évitant la perte en eau (baumes pour le corps et les mains, sticks lèvres, crèmes pour les pieds). Outre leur origine pétrochimique, elles seraient aussi occlusives et induiraient, aggraveraient ou prolongeraient l’acné.
Les méthylisothiazolinone (MIT) et methylchloroisothiazolinone (MCIT)
La mise en cause des parabènes a fini par entraîner à sa suite celle des Methylisothiazolinone (MIT) et methylchloroisothiazolinone (MCIT). Jusque-là utilisées à faibles doses, elles sont soudain devenues une alternative largement employée par les fabricants, entraînant irritations et allergies. Les autorités de santé ont donc interdit l’association MCIT-MIT dans les produits non rincés à compter d’avril 2016. Puis la MIT seule a été proscrite dans ces mêmes produits par L’union européenne à compter du 12 février 2017.
Les Parabènes
Depuis 2005 et la « grande crise » des paraben, ces conservateurs, qui évitent le développement des bactéries et moisissures dans les crèmes et tous les produits à base d’eau, ne sont plus en odeur de sainteté. Utilisés dans les cosmétiques depuis 1920, on les retrouve aussi dans les produits alimentaires sous les dénominations E214 à E219 et dans un nombre considérable de médicaments, à des doses bien plus importantes qu’en cosmétique. Les plus dangereux (isobutyl, isopropyl, benzyl, pentyl, phenylparaben) sont interdits depuis 2014. A l’inverse, ceux à courte chaîne, ethylparaben et methylparaben ont été blanchis par les experts français et européens. Restent les propylparaben et butylparaben, soupçonnés d’être perturbateurs endocriniens, et interdits dans les produits sans rinçage destinés aux enfants de moins de 3 ans. De fait, ils ne sont quasiment plus employés, leur notoriété négative auprès de l’opinion publique ayant entraîné leur élimination par quasiment toutes les marques cosmétiques. Et pourtant, les toxicologues le reconnaissent : les parabènes autorisés (méthyl, ethyl, propyl et butyl-parabènes) sont d’excellents conservateurs, à large spectre, ayant très peu d’effets secondaires, et sur lesquels on a un très bon recul, contrairement à ceux utilisés plus récemment.
Les PEG
Les polyéthylène glycols, utilisés comme émollients et émulsifiants ou comme épaississants dans les formules, sont fabriqués à partir d’oxyde d’éthylène, un gaz très réactif et toxique, cancérigène et mutagène. C’est donc pour des raisons environnementales qu’ils sont décriés : leur mode de fabrication, et le fait qu’on les retrouve dans les eaux usées.
Le Phénoxyéthanol
Conservateur antibactérien et antimicrobien, le phenoxyethanol est très utilisé et très décrié. Tout d’abord, sa transformation comprend une ethoxylation, procédé polluant et toxique pour les manipulateurs. Il est aussi potentiellement irritant, et peut provoquer des eczémas de contact. Des études avec des hautes doses l’a montré hépatotoxique sur des souris. Enfin, il est suspecté d’être cancérigène et perturbateur endocrinien. Mais sur ces derniers points, aucune étude ne l’a démontré et le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs, sous l’égide de la Commission européenne, l’a jugé, sûr pour tous les utilisateurs.
Les Sels d’aluminium
Ce qu’on appelle sels d’aluminium se retrouve dans la formule INCI sous l’appellation chorhydrate d’aluminium. Ces mini particules ont la propriété de quasiment fermer les pores par lesquels s’écoule la sueur et donc de stopper la production de transpiration. Or, on les a accusés à plusieurs égards. Tout d’abord, parce qu’il n’est jamais bon de stopper un processus naturel. D’autre part, la fonction chlore de ces sels d’aluminium leur permet une pénétration qui a poussé certains scientifiques à les accuser d’être à l’origine de cancers du sein. Après dix années de controverse, le Comité Scientifique pour la Sécurité des Consommateurs (CSSC), comité d’experts indépendant auprès de la Commission Européenne, a rendu fin 2019 un avis exonérant l’usage des sels d’aluminium dans les cosmétiques. Après avoir mené une batterie de tests complémentaires et analysé les dernières études scientifiques, il a conclu que les composés d’aluminium sont sans risques dès lors que l’on respecte des doses limites d’emploi, à savoir 10,60% d’aluminium pour les antitranspirants en sprays et 6,25 % pour ceux qui sont formulés sous d’autres formes. Ce document, qui complète l’avis de 2014, précise que « ces derniers résultats montrent, entre autres, que l’aluminium contenu dans les produits antitranspirants n’est pas absorbé par la peau, y compris la peau fraîchement rasée, n’est pas non plus stocké dans la peau, mais au contraire éliminé sur les vêtements, par desquamation naturelle de la couche cornée superficielle et lors du lavage. » Et ne provoque donc pas de cancer du sein.
Les Silicones
Ces dérivés de silice – dimethicone, dimethiconol ou nom finissant en « siloxane » – sont largement utilisés pour le touché soyeux ou poudré qu’ils donnent dans les soins et le maquillage. Ce glissant, qui facilite l’application, pour démêler, gainer et apporter de la brillance aux cheveux dans les shampooings, masques et sérums.
Le souci ? ils sont peu biodégradables, même si leurs effets toxicologiques seraient minimes. On leur reproche d’une part leur bioaccumulation : ils s’accumulent sur les cheveux (on mettrait plus d’un mois à les éliminer totalement) sans les soigner, et au final empêchent colorations ou permanentes de bien pénétrer. De même ils boucheraient les pores de la peau. En ce qui concerne leur problème de biodégradabilité, on voit apparaitre de nouvelles générations de silicones, légères et hydrosolubles, qui demandent un plus faible dosage pour éviter les effets plombants et comédogènes et qui se dégradent beaucoup mieux dans la nature.
Par ailleurs, deux silicones volatiles – cyclotetrasiloxane (D4) et le cyclopentasiloxane (D5) – soupçonnés d’être perturbateurs endocriniens, notamment pour les organismes aquatiques et reconnus persistants, bioaccumulables et toxiques, sont limités à 0,1 % dans les produits rincés depuis janvier 2020.
Les Sulfates
Ce sont des agents moussants – des tensio-actifs anioniques- qui forment une mousse abondante et lavent très efficacement. Très peu chers, on les trouve dans les shampooings, gels douche, savons liquides mais aussi dans toutes les lessives sous les noms de sodium laureth sulfate (le plus courant) et ammonium lauryl sulfate (autorisé en bio). On les accuse surtout d’être très décapants, potentiellement irritants, de « délaver » les colorations et de perturber le microbiote du cuir chevelu. De plus, le « laureth » demande une éthoxylation, une transformation polluante qui explique qu’il est interdit dans les produits bio.