L’huile de coco sait tout faire ! Elle est devenue la star de la beauté naturelle et de la cuisine saine. Même si la matière première est de qualité, c’est du côté des procédés de production qu’il faut aller regarder pour savoir si sa consommation est éco-responsable ou non. Et malheureusement, comme souvent quand un aliment sain devient à la mode, on a de mauvaises surprises…
L’huile de coco, bonne à tout faire ?
Il y a quelques années on découvrait émerveillés les bienfaits du karité, mais depuis c’est l’huile de coco qui est devenue la star de l’alimentation-santé et de la salle de bain minimaliste et naturelle.
En effet, elle serait un remède à presque tout, non seulement pour le corps mais aussi dans l’assiette et même dans la maison. Elle remplace tous les baumes et autres laits hydratants pour nourrir la peau grâce à son fort pouvoir émollient et assouplissant. Elle permet aussi de faire des bains de bouche vertueux pour la santé buccodentaire selon le principe du « Oil Pulling », une technique de bain de bouche indienne. Elle s’utilise aussi en masque sur les cheveux (pointes fourchues), sur les ongles et les cuticules (pour les assouplir) et comme démaquillant. Enfin, elle soulagerait les brûlures, les coups de soleil, les piqures d’insectes, l’eczéma, l’acné… bref, un petit miracle dans la salle de bain et … dans la maison. On peut nourrir le cuir et lustrer le bois avec de l’huile de coco.
Dans l’assiette, elle remplace les autres huiles végétales et aurait des effets positifs sur les artères et le cœur. Cependant, sa grande teneur en acides gras saturés (92% environ) rend ses bienfaits sur la santé discutables et explique pourquoi on doit éviter de la consommer cuite.
Les industriels eux aussi commencent à vouloir remplacer l’huile de palme (tant décriée) par l’huile de coco. Pourtant, cette huile présente de nombreux problèmes écologiques similaires… comme toujours quand un produit naturel fait le buzz et devient l’aliment à la mode. A l’image de l’avocat, sa culture intensive pour répondre à la demande déclenche une catastrophe environnementale et sociale.
Huile de coco, pas écolo
Pour commencer, nous parlons bien ici de l’huile de coco et non du lait de coco ou de l’eau de coco. L’huile de coco est brandie comme une alternative naturelle à presque tout, sauf qu’en réalité, consommateurs et influenceurs vantant les mérites d’une vie saine et écolo « oublient » que ce produit n’est jamais local : son empreinte carbone est mauvaise puisqu’elle est cultivée à l’autre bout du monde. Et c’est bien le problème : les principaux pays producteurs de noix de coco étant en Asie du Sud-Est (Indonésie, Philippines), en Polynésie française ou en Inde, et les principaux importateurs étant les Etats Unis et l’Europe, autant dire que l’huile de coco aura émis beaucoup de gaz à effet de serre (CO2) pour arriver jusqu’au consommateur.
Deuxième écueil majeur : avec la croissance exponentielle de la demande, les producteurs sont incités à produire toujours plus et à en faire de la monoculture intensive. Cette méthode épuise les sols et exige, pour maintenir la rentabilité, l’usage de pesticides : des produits toxiques qui déclenchent une pollution des sols immédiate et une destruction de la biodiversité de la zone. Or, cette culture est parfois encouragée par les gouvernements locaux pour renouveler les plantations de cocotiers âgés dont le rendement baisse, ce qui n’empêche pas les produits d’être certifiés commerce équitable. De plus, ces cultures exigent d’être irriguées dans des régions où parfois les populations manquent d’eau. L’impact environnemental des exploitations est négatif depuis quelques années pour la nature, comme pour les hommes.
Huile de coco versus huile de palme
Ainsi parée d’une réputation « santé » et « nature », l’huile de coco est souvent conseillée en remplacement de la vilaine huile de palme, aujourd’hui associée à la déforestation et à l’image d’orangs-outans brulés avec la forêt.
S’il est vrai que l’huile de palme est un fléau écologique et n’a aucun intérêt pour la santé, on la retrouve dans beaucoup de produits industriels à cause de son faible coût. Mais l’huile de coco n’est pas si loin en termes de nuisances écologiques. Cocotiers comme palmiers nécessitent de vastes étendues pour se développer ; ils prennent la place de forêts et de tous leurs habitants. Malheureusement, les zones de production sont aussi les plus fertiles et celles dotées d’une biodiversité des plus précieuses. Et elles sont aujourd’hui sacrifiées. Les fermes à cocotiers situées aux Philippines et en Indonésie auraient un impact négatif sur la biodiversité encore plus important que celui des plantations d’huiles de palme. Cette pratique fait disparaitre certaines espèces endémiques et en menace aujourd’hui beaucoup d’autres, natives des régions où l’on cultive les cocotiers. C’est sans doute une question de temps avant que la réputation immaculée de l’huile de coco ne soit entachée comme celle de l’huile de palme. Si la production d’huile de coco n’est pas (encore) aussi dramatique pour l’écologie que l’huile de palme, notamment grâce aux cocotiers qui peuvent pousser un peu partout, même sur sol sablonneux ce qui réduit la déforestation, à nous de faire en sorte qu’elle devienne plus vertueuse.
Huile de coco, éthique sociale et animale
Autre terrible conséquence de la demande en hausse de l’huile de coco : la production en monoculture est favorisée par les industriels qui délaissent les petites exploitations au profit de plantations parfois mécanisées. Les plantations familiales sont marginalisées, les petites exploitations disparaissent, et les populations locales ne profitent donc pas du tout de cette hausse d’activité. Pire, les petits agriculteurs n’ont plus le choix de l’indépendance, et sont asservis par les gros producteurs qui leur concèdent des salaires de misère. On parle d’1 dollar par jour en moyenne, pour la majorité d’entre eux. Cette frénésie occidentale à consommer l’huile de coco favorise donc, in fine, la précarité et l’extrême pauvreté de populations déjà fragilisées. Pire, sur ce marché du travail quasi-mafieux, les récoltants subissent aussi la concurrence… des singes ! Les exploitants n’ont en effet rien trouvé de mieux que de capturer des petits singes type macaques à queue de cochon, de les dresser pour les entrainer (dans des conditions que l’on ignore mais dont on peut deviner qu’elles ne sont pas glorieuses) à grimper en haut des cocotiers cueillir les noix de coco. Plus rapides que les hommes, corvéables à merci et gratuits, l’exploitation animale est ici poussée à son paroxysme. Séparé de sa communauté, dressé de manière sans doute barbare, utilisé comme un outil dont il faut toujours accroitre le rendement, le petit singe exploité réduit en esclavage, vit enchainé sans aucun espoir de faire un jour autre chose que les actions qu’on lui impose. Selon la PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) les singes sont dressés pour pouvoir cueillir jusqu’à 1 000 noix de coco par jour !
Si c’est évidemment une pratique à dénoncer, c’est tout un système qu’il faudrait revoir car loin d’être des fermiers prospères, les exploitants subissent l’oppression d’une demande toujours en hausse, à laquelle ils doivent répondre au plus bas prix via un marché malsain où la concurrence les contraint à un prix qu’ils ne peuvent pas fixer, pour que le consommateur (donc nous) puisse acheter son huile de coco à bas prix aussi.
Mieux choisir l’huile de coco
L’huile de coco peut s’acheter avec des labels équitables voire bio, même s’il en existe très peu. Mais c’est surtout en y mettant un peu le prix et en décortiquant les étiquettes que l’on peut essayer d’évincer les produits bas de gamme directement issus de l’exploitation des ouvriers sur les plantations. Il est aussi possible de l’acheter en vrac auprès d’un magasin éthique qui aura vérifié sa source et si possible vérifié que les chaînes d’approvisionnement sont durables. Choisir une huile pure et éviter les produits industriels indiquant « huile de coco désodorisée », mais aussi « huiles végétales hydrogénées ou partiellement hydrogénées » ou encore « matières grasses végétales » qui peuvent être des mélanges. Enfin, on peut utiliser les réseaux de consommateurs engagés pour l’environnement, et/ou les groupes vegans qui s’échangent les infos et publient des listes de marques respectueuses et éthiques (groupe facebook Végétarien, Végétalien, Vegan & Cool par exemple), qui peuvent garantir les méthodes de production et garantissent ne pas recourir à l’usage de singes pour la cueillette. Il y a quelques années, en apprenant l’exploitation des singes, certains supermarchés en Grande bretagne avaient retiré de la vente les produits incriminés, forçant les fournisseurs à s’engager contre cette pratique et à l’éliminer.
Le monde occidental doit absolument repenser sa consommation car comme tout ce qui connait une croissance exponentielle à l’autre bout du monde, l’huile de coco devient une source de problèmes pour la nature et pour les populations. Quand la demande devient mondiale, le système ne peut plus reposer sur des réseaux à taille humaine ni être équitable. Aucune culture intensive ne peut respecter l’environnement, à l’instar de celles de la vanille, du cacao ou des avocats. Aux entreprises de se responsabiliser et de vérifier un sourcing responsable, mais aussi -et surtout- aux consommateurs d’exiger des produits éthiques et d’accepter de payer un prix un peu plus élevé. Car comme pour la fast fashion, quand un produit exotique ou conçu très loin reste si peu cher lors du passage en caisse, c’est que quelqu’un d’autre, à l’autre bout du monde, paie, lui, le prix fort.