Sa cote de popularité est en plein essor. De plus en plus de marques en ont fait, ces dernières saisons, la vedette de leurs collections. Même le spécialiste du coton, Petit Bateau, lui a dédié une ligne. On le trouve aussi dans certains produits cosmétiques ! Il faut dire que le lin cumule les bons points.
Dans la Clean Fashion (mode éthique), le linge de table ou le linge de lit, le lin a le vent en poupe. S’il ne représente encore que 2,4% de la production mondiale de fibres naturelles (75% pour le coton), il est produit à 80% en Europe et c’est la France qui est le premier producteur mondial. Cocorico !
C’est pourquoi nombre de marques qui privilégient désormais le Made in France, le remettent à l’honneur. Et œuvrent pour rétablir une filière encore trop délocalisée.
Le lin, une plante écologique
Le Lin est une plante herbacée aux jolies fleurs bleues. Ses fibres naturelles se trouvent dans sa tige et non pas dans ses fleurs. C’est la plus ancienne matière naturelle au monde. À l’époque des Pharaons, on embaumait les corps dans des bandelettes de lin. Aujourd’hui, il est surtout cultivé pour ses fibres textiles et ses graines oléagineuses.
- Un impact environnemental quasi nul
La culture du lin est peu gourmande en eau et en pesticides. La plante pousse naturellement grâce à la chaleur du soleil et l’eau de pluie, elle ne requiert donc aucune irrigation, contrairement au coton. C’est également une fibre végétale très résistante qui n’a quasiment pas besoin d’engrais, ni même de pesticides. De plus, le lin est un puits à carbone : chaque hectare de lin retient chaque année 3,7 tonnes de CO2.
La production de lin est, elle aussi, écologique. Chacune des étapes de la transformation (récolte, rouissage, teillage, peignage, filature, tissage, confection), se fait mécaniquement et sans solvants chimiques. Un hectare de lin donne en moyenne à 1 300 kilos de fibres longues teillées, dans lesquelles la paille et la graine sont séparées. Enfin, si la fibre originale n’a pas été mélangée avec des fibres synthétiques ni subie de teintures chimiques, elle est totalement biodégradable.
- Zéro déchet
Autre avantage, toutes les parties de la plante sont utilisées. Ses tiges deviennent des fibres aux usages multiples. Ses graines sont récupérées soit pour être de nouveau semées, soit pour fabriquer des huiles alimentaires riches oméga 3 ou des peintures.
Le lin, un textile aux multiples qualités
– Le lin est réputé pour son incroyable résistance (2 à 3 fois supérieure à celle du coton).
Solide, légère et souple à la fois, la fibre de lin a une très longue durée de vie. Si elle paraît rigide de prime abord, elle s’assouplit au fil des utilisations et lavages. Le lin doit cette propriété aux pectines – de la famille des sucres- qui composent les parois de ses fibres. Elles permettent de structurer et de maintenir les fibres entre elles. C’est également ce qui le rend hydrophile, c’est-à-dire très absorbant : le lin peut retenir 20% de son poids en humidité.
Cette particularité explique ses propriétés thermorégulatrice, hypoallergénique et antibactérienne. De ce fait, les vêtements en lin sont particulièrement agréables à porter par temps chaud. Légers, ils conservent le corps à une température idéale tout en ayant un super pouvoir d’absorption. C’est aussi un très bon isolant, grâce à sa fibre creuse qui conserve aussi bien la chaleur que la fraîcheur.
- Et ses nombreux débouchés
Le lin connaît de multiples usages. Ses fibres fines sont utilisées pour l’habillement, le linge de maison et le tissu d’ameublement, avec une image de noblesse haut de gamme. Les fibres de lin plus épaisses, elles, servent de matière isolante, pour absorber les vibrations ou sont introduites dans des matériaux composites pour les renforcer. Le lin est aussi utilisé dans le secteur automobile (composants et isolants), hi-tech (casques audios, chaînes) et du sport (skis, vélos, raquettes de tennis, planches de surf, etc.). Le lin rentre aussi dans la fabrication de billets de banque ou de papier à cigarette.
La France, premier producteur mondial de lin et exportateur
- Une production majoritairement européenne
Le lin pousse exclusivement sous les climats tempérés et humides. Et de fait, 85% du lin teillé produit mondialement provient d’une bande côtière allant de Caen à Amsterdam, suivant les littoraux de la Belgique, des Pays-Bas et de la France. En France, premier producteur mondial avec 140 000 hectares de culture, le lin est cultivé en Seine-Maritime, dans le Nord, le Pas de Calais, la Somme, l’Oise, l’Eure, et le Calvados. La France est reconnue pour son lin de grande qualité aux fibres fines et résistantes. La filière européenne du lin se compose aujourd’hui de 10.000 entreprises réparties dans 14 pays.
- Une production exportée
Le hic : 95% de la production française est exportée, principalement en Chine ou en Inde, pour y être transformée. Ce qui alourdit évidemment l’empreinte carbone de cette matière si écologique. À l’autre bout du monde, les ouvriers d’usines chinoises et indiennes filent, tissent et confectionnent des vêtements qui sont ensuite revendus en France, en Italie ou en Belgique, mais aussi au Japon, friand de cette fibre, et même aujourd’hui en Chine. La France achète donc des vêtements fabriqués avec le lin qu’elle a vendu quelques mois plus tôt.
De plus, certains fabricants ont recours à des produits chimiques pendant les phases de transformation du lin (coloration, traitement chimique, etc.) qui altèrent le caractère écologique et la qualité de la fibre naturelle du lin. Les vêtements se froissent, s’abîment plus vite et sont moins durables. Certes, certains labels, comme “Master of linen”, garantissent un lin 100% Européen, du champ au fil jusqu’au tissu.
Des filatures pour un lin 100% français
Cette aberration a alerté certaines marques adeptes du Made In France.
S’est ainsi créé un collectif baptisé Linpossible, mené par les marques engagées Splice et 1083, suivies par Le Slip Français, l’association LCBIO (Lin et Chanvre Bio), la société textile alsacienne Velcorex, l’entreprise de Romans-sur-Isère Tissage de France, la coopérative spécialisée Terre de Lin et l’un des derniers filateurs européens de lin, Safilin.
Le collectif œuvre depuis des années pour que des filatures réouvrent en France, dernier maillon manquant d’une chaîne d’approvisionnement de vêtements en lin réalisés à 100% en France. En effet, Safilin, la dernière filature nationale, avait dû fermer en 2005 son site des Hauts-de-France pour installer ses machines en Pologne. Safilin va donc rouvrir en 2022 une filature avec 14 métiers à filer, dont douze dédiés à une production “au mouillé” (utilisée principalement pour la confection textile) et deux filatures “au sec” (fil plus épais, notamment destiné à la décoration, mais aussi à des pièces épaisses), pour générer 350 tonnes de fils par an.
D’autres projets ont aussi émergé. L’entreprise alsacienne Velcorex a installé en 2021 un site de filature au sec pour produire notamment du denim de lin. Et Natup, qui détient déjà une usine de peignage de lin (42 salariés), devrait installer début 2022 à Saint-Martin-du-Tilleul (Normandie) une filature d’une capacité de production de 250 tonnes de fil de lin par an avec 25 salariés. Avec un coût cependant : le collectif Linpossible estime que le prix du kilo de lin filé en France vaudra environ le double du lin filé à l’étranger.
Le lin, matière écologique et fierté française, s’exporte désormais dans le monde entier, mais en passant par des filatures au mieux européennes, souvent chinoises. Ce qui alourdit son empreinte écologique et détériore parfois sa qualité. Heureusement, le défi de recréer une filière 100% française semble relevé, mais pour fabriquer un lin plus luxueux et donc plus onéreux.