S’attacher au filet de Roland Garros ou au décor de l’Opéra Bastille, faire des sit-in sur des routes pour les bloquer, balancer de la peinture orange sur les façades de Bercy, Matignon et du Ministère de la Transition écologique… Depuis avril 2022, Dernière Rénovation multiplie les actions de désobéissance civile et ses activistes finissent parfois en procès, comme ceux de janvier 2023 à Castres et Paris pour « entrave à la circulation ». Que revendique ce mouvement qui déclare « Nous sommes la dernière génération capable d’empêcher un effondrement sociétal »
Eco-terroristes ou mouvement de désobéissance civile non violent ?
Comme leurs actions en France ont eu lieu en même temps que celles de Just Stop Oil, qui ont provoqué le tollé général en balançant de la soupe sur les Tournesols de Van Gogh, de la purée sur les Meules de Claude Monet, ou de la peinture sur la devanture d’un concessionnaire londonien d’Aston Martin, on a allégrement confondu ces deux mouvements.
Pourtant, dans la mouvance des mouvements Extinction Rebellion ou Just Stop Oil, Dernière Rénovation est un mouvement écologiste différent. Il utilise la désobéissance civile non violente pour alerter sur l’inaction gouvernementale en matière de changement climatique. Et ceux qui prennent part à ces actions sont souvent les jeunes, qui s’engagent pour la plupart pour la première fois, conscients que l’urgence est là. Dernière Rénovation est l’une des 11 campagnes du réseau international A22, un « collectif de projets engagé dans une course effrénée pour sauver l’humanité ».
Comme le mouvement Extinction Rebellion l’explique clairement sur son site : « On a tout essayé pour avoir une action climatique de la part du gouvernement qui puisse nous éviter le pire du dérèglement climatique. Les marches par millions dans le monde entier, les rapports scientifiques du GIEC, les actions en justice, les plaidoyers, les COP à répétition sans jamais obtenir d’accord contraignant, les alertes à l’ONU et les actions symboliques partout dans le monde… Lorsque nous demandons, argumentons, prouvons, alertons, nous ne sommes pas écoutés et rien ne change (…) Malheureusement, on ne peut pas compter sur notre gouvernement pour nous sauver de la catastrophe annoncée. Déclaré hors la loi par ses propres tribunaux, c’est désormais à nous, citoyens et citoyennes ordinaires de faire appliquer les engagements auxquels l’État refuse de se plier »
Quelques chiffres clé sont criants : 20 % de gaz à effet de serre viennent du secteur résidentiel ou tertiaire, 12 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique et 4,8 millions d'habitations sont classées F ou G en France, soit 17% des logements.
Avec de tels arguments, on se pose à juste titre la question : où sont les vrais éco-terroristes ?
Pourquoi « Dernière Rénovation » ?
Si leurs actions coup de poing ont fait beaucoup de bruit, elles n’ont pas fait comprendre assez clairement leur motivation première.
Alors que Just Stop Oil, en Angleterre, s’est concentré sur la fin des énergies fossiles, Dernière Rénovation a choisi ce nom en rapport avec sa première revendication : se concentrer sur la rénovation thermique du parc immobilier français, en gros sur les fameuses « passoires énergétiques » mais aussi en référence au fait que « nous sommes la Dernière Génération de l’Ancien Monde ».
Une revendication : la rénovation énergétique de l’habitat
Le mouvement demande que le gouvernement s’engage dans la rénovation du parc immobilier français d’ici à 2040. Il va plus loin en sollicitant l’élaboration d’un système de financement prenant en charge l’intégralité des travaux pour les propriétaires les plus modestes.
Dans les textes, les lois françaises prévoient en effet l’élimination des passoires énergétiques d’ici 10 ans. Mais, souligne Dernière Rénovation : « au rythme actuel du gouvernement, c’est-à-dire 2500 passoires rénovées par an, il faudrait 1900 ans pour en venir à bout. L’exécutif est incapable de faire appliquer les lois du pays, surtout quand ce sont des lois qui profiteront aux plus pauvres. »
Le mouvement reprend ainsi une Tribune de Maxime Combes, économiste, Daniel Ibanez, cofondateur de la Rencontre annuelle des lanceurs d’alerte et Françoise Verchère, figure de la lutte anti-NDDL : « Sur les 700 000 subventions MaPrimRénov débloquées en 2021, le nombre de logements sortis du statut de « passoire thermique », initialement annoncé à 80 000 par le gouvernement (PLF 2021), a été ramené à 2 500 par un récent rapport de la Cour des comptes. À ce rythme-là, il faudra plus de 1 900 ans pour rénover les 4,8 millions de passoires thermiques du pays. »
Une ambition écologique, économique et sociale
Outre le fait que ces passoires thermiques laissent des citoyens mourir de froid en hiver et de chaud en été, elles obligent à surchauffer en hiver et climatiser en été ces logements mal isolés, grevant la sobriété énergétique. En isolant ces logements, on pourrait faire baisser la consommation d’énergie, et donc le bilan CO2 de ces habitations, tout en redonnant du pouvoir d’achat et du confort à leur occupants.
Autre argument : en plus de diminuer les émissions de CO2, ces rénovations devraient créer des milliers d’emplois et bénéficier à tout le monde, en particulier aux plus pauvres qui souffrent le plus violemment des conséquences du dérèglement climatique.
« Une ambition concrète, réalisable, juste socialement, et populaire qui, une fois gagnée, pourra nous emmener vers d’autres victoires d’ampleur », conclut Dernière Rénovation.
Le mouvement n’envisage pas de s’arrêter là. Comme il le précise, la rénovation thermique n’est que son premier objectif. Le mouvement veut ensuite « catalyser des soulèvements populaires massifs dans les quelques années à venir » afin de « forcer le changement requis ».