Eco-conception, éco-recharges, verre, aluminium, zéro déchet et autres propositions rassurantes fleurissent pour les emballages cosmétiques. Mais ces packagings éco responsables et « clean » le sont-ils vraiment ? Face à la pression des consommateurs, industriels et marques cherchent ensemble à mettre au point les emballages les moins nuisibles et les plus économiques, tout en restant désirables. Un vrai challenge !
Un packaging éco responsable et clean, c’est quoi ?
C’est un emballage vertueux, c’est-à-dire qu’il ne pollue pas ou peu lors de sa fabrication, et dont la disparition n’a aucun impact sur l’environnement (éco-conçu). La difficulté est de faire concorder l’usage du produit, son coût et ses normes de fabrication souvent très particulières. Et malheureusement, ce sont souvent les matériaux les plus polluants qui sont les plus sûrs et les plus faciles à utiliser. C’est le cas du plastique, très peu cher et très pratique. Peser le pour et le contre dans le choix d’un packaging est une démarche délicate, un vrai casse-tête : le vilain plastique, est-il au final plus nuisible que le saint verre ? Si les paramètres à évaluer sont nombreux, ce qui est sûr, c’est que le seul emballage qui n’a pas d’impact est celui que l’on ne produit pas (zéro déchet et vrac).
Papier et carton, bravo les champions
Réputés les moins dangereux pour la planète, les emballages en carton se dégradent facilement si, par hasard, ils échouent dans la nature.
À base de bois, les fibres de la pâte à papier ne résistent pas à l’humidité ce qui est un avantage pour la nature, mais un inconvénient pour les industriels : le carton ne pouvant contenir que des matières sèches, il est souvent recalé. Dans la clean beauty, c’est l’emballage de référence pour tous les produits secs type savons, shampoings solides ou accessoires. Il se recycle très bien, car sa propre filière de recyclage produit des emballages à base de carton et papier recyclés. Et si les inscriptions sont faites avec des encres végétales et biodégradables, alors le papier et le carton sont les matières les plus propres et les plus inoffensives qui soient. À condition de ne pas les doubler d’un film plastique extérieur pour les rendre plus brillants et plus solides, ni intérieur pour qu’ils soient étanches (comme pour les gobelets). À noter : opposer biodégradable et recyclable est particulièrement incohérent dans le cas du papier puisqu’il est les 2 à la fois. L’un n’empêche pas l’autre !
Emballages plastiques, ils sont éternels
Sans surprise, les plastiques (très nombreux) sont les mauvais élèves. Il est malheureusement très difficile de se priver de ses « qualités » dans l’univers des packagings. Léger, très peu cher, le plastique est modulable à l’infini grâce à des produits chimiques. Les polymères et les traitements permettent d’obtenir une matière sur-mesure : densité, dureté, souplesse, teinte, texture. On peut fabriquer des flacons, mais aussi des suremballages sous forme de film plastique transparents, des sachets, mais aussi des boîtes, d’une qualité médiocre ou très luxueuse, bref, le plastique a tous les avantages… sauf celui d’être clean !
Une fois créée, sa matière issue du pétrole ne disparaît jamais. Au mieux, est-elle recyclée et transformée en nouveaux emballages ou objets. Un processus qui a ses limites, car le plastique perd ses propriétés au fil des recyclages et exige rapidement l’ajout d’un nouveau plastique « vierge ».
Le problème de l’incinération du plastique
Au pire, les déchets plastiques sont incinérés ou enterrés créant une pollution massive des sols et de l’air, car l’incinération ou la pyrolyse du plastique génère du CO2 et contribue au réchauffement climatique. On les retrouve dans la mer où ils se dégradent en micro plastiques, impossibles à filtrer. Ces déchets plastiques colonisent les océans et sont absorbés par les organismes marins qui finissent parfois dans nos assiettes ! Réduire l’utilisation du plastique est un défi, notamment pour les produits alimentaires et cosmétiques, qui nécessitent une hygiène irréprochable. Les fabricants proposent aujourd’hui de plus en plus d’alternatives éco-responsables, comme :
- Des emballages en PCR (Post Consumer Recycled), qui n’est autre que du plastique recyclé, issu des déchets ménagers
- Des bouchons/capsules allégées (en réduisant leurs tailles).
Bioplastiques, pas si fantastiques ?
Les plastiques végétaux (ou bioplastiques) auraient les qualités du plastique pétrochimique, mais pas ses inconvénients. Sauf que… à base de canne à sucre ou de maïs, ils sont parfois biosourcés, mais pas toujours bio dégradables. Et si leur conception se fait sans pétrole, celle-ci pose d’autres problèmes : il faut fournir cette matière végétale en quantité et donc utiliser les sols pour faire pousser ces plantes. Or utiliser une ressource consommable et des terres arables pour faire du plastique à l’heure où des millions d’humains meurent de faim pose question. Sans oublier que ces végétaux, qui viennent souvent du bout du monde, ont une lourde empreinte carbone avant même d’être transformés en plastique.
Les bioplastiques, ni bio ni biodégradables
Ensuite, les « bio-PE » (PolyEthylène) ou « bio PET » (PolyEthylèneTéréphtalate) subissent des transformations chimiques qui en font des matières du même type que les plastiques pétrosourcés. Un sac en bioplastique, issu de canne à sucre, mettra des dizaines d’années à se décomposer tout comme un sac plastique classique. Et dans l’intervalle, si le sac en plastique végétal finit dans la mer, il étouffera quand même les tortues. Voilà toute l’ambiguïté des bioplastiques : ils sont appelés « bio » ce qui laisse penser qu’ils sont obtenus sans produits chimiques et biodégradables naturellement. En effet, la plupart des plastiques dits « biodégradables » ne le sont pas dans les composts individuels. Ils se dégradent uniquement dans les composteurs industriels, très rares en France. Quant aux filières de tri pour recycler ces bioplastiques, elles n’existent pas. Ces bioplastiques, qui finissent parfois dans la poubelle jaune avec les autres plastiques, seront collectés et conduits vers une usine de recyclage qui ne pourra pas les prendre en compte.
Pour remédier à ce problème, le nouveau label « OK Home Compost » indique les déchets qui se dégradent d’eux même dans la nature ou dans un compost ménager. Enfin, ces plastiques d’origine végétale émettront tout de même du CO2 s’ils sont incinérés en fin de vie.
Le plafond du verre
Le verre est considéré comme le matériau le plus clean qui existe. Il est vrai qu’il présente de nombreux avantages : recyclable à l’infini, lavable, joli, il permet de belles créations. Mais, la production de verre se fait à très haute température dans des fours qui tournent jour et nuit à plus de 1500°, consommant ainsi beaucoup d’énergie. Par ailleurs, il peut s’avérer lourd : son transport ajoute ainsi une part de pollution à l’addition et à son bilan carbone. La solution est donc d’adopter le verre dit « allégé ». Enfin, il est fragile : cassable pendant le transport ou dangereux lors de son utilisation à la maison ou en magasin. Des inconvénients qui font que le verre soit encore peu choisi (à tort ?) par les industriels et les consommateurs. Mais les lignes sont en train de bouger.
Le verre, un choix stratégique
Personne n’a envie de voir un flacon de gel douche se briser dans la baignoire. Mais pour tous les autres usages (eaux démaquillantes, huiles, sérums, crèmes…) le verre est une alternative très intéressante au plastique. On peut le recharger, et dans ce cas, il n’est fabriqué et transporté qu’une seule fois.
L’aluminium en question
Les emballages en aluminium, contrairement au verre, sont relativement légers. Côté déchet, l’aluminium n’est pas biodégradable et peut persister longtemps dans la nature, mais il se recycle très bien et à l’infini (à condition, bien entendu, de le trier et de séparer les bouchons et les pompes qui lui sont associés).
Autre point important : lorsque l’aluminium se retrouve au fond de la mer, il s’oxyde et devient poussière (pas d’impact sur la vie sous-marine)… à la différence du plastique qui se dégrade en microplastiques, tôt ou tard ingérés par les poissons qui se retrouvent dans nos assiettes.
En cosmétique, l’option la plus clean (avec un rendu esthétique équivalent à celui de l’aluminium vierge) consiste à choisir :
- Soit de l’aluminium PCR (Post Consumer Recycled)
- Soit de l’aluminium PIR (Post Industrial Recycled). Le matériau recyclé est issu des déchets de production d’aluminium.
Le fait qu’il soit opaque, enfin, est une excellente option pour les cosmétiques.
Il y a néanmoins deux inconvénients avec l’aluminium :
- Pour le fabriquer, il faut l’extraire de certains minéraux (dont la bauxite) par des procédés chimiques polluants, qui émettent à l’échelle mondiale des millions de tonnes de gaz à effet de serre, et consomment de grandes quantités d’eau et d’énergie. Les mines de bauxite à ciel ouvert engendrent des dégâts sur l’environnement (déchets chimiques, affectation de la faune et de la flore)
- Il s’abîme facilement : il faut donc être prêt à acheter, parfois, des produits qui sont un peu cabossés (transport).
Aluminium et polyfoil, à ne pas confondre
On peut avoir l’impression d’acheter un pack en aluminum alors que celui-ci est en réalité constitué de différentes couches, incluant du plastique. Appelé polyfoil, ce procédé permet d’obtenir de petits tubes de crème pour les mains souples et non-cassants par exemple. Impossible d’entrevoir un recyclage, car les différentes couches du polyfoil ne sont pas dissociables.
Aluminium : danger pour l’alimentaire
En ce qui concerne son innocuité, l’aluminium est accusé de se libérer trop facilement dans les produits alimentaires, ce qui peut avoir un impact non-négligeable sur la santé. Pourtant, il est extrêmement répandu : canettes de boisson, barquettes, boîtes de conserve ou encore papier alu dans la cuisine.
Le packaging écologique existe-t-il ?
Si par écologique on entend « qui n’a aucun impact sur l’environnement », la réponse est non, et pour toujours. Mis à part la réutilisation d’un sachet en papier (à condition que les encres soient biodégradables), toute fabrication consomme de l’énergie, et donc des ressources, pétrole et eau entre autres, et rejette du CO2. Il faut donc faire un choix et choisir son combat, en tenant compte du cycle de vie complet de la matière : fabrication, utilisation et fin de vie. Il faut également avoir une vision à long terme de l’emballage et non pas une vision « usage unique ».
Emballages et éco conception
Recyclable, réutilisable, aujourd’hui le packaging ne peut faire l’économie de l’éco conception ! Réduire le volume de plastique utilisé avec des éco-recharges, à la place de flacons que l’on jette, est un premier pas. Mais l’idéal est surtout de réduire les emballages dont la durée de vie est très longue, et de privilégier les matériaux recyclés et recyclables.
Le recyclage doit se déployer
En plus d’inciter les consommateurs, il faut impérativement avoir le soutien des pouvoirs publics et des politiques pour augmenter la capacité du tri et renforcer les filières. À quand une récompense pour ceux qui trient et permettent ainsi aux collectivités de réaliser des économies ? Et quid des entreprises, encore trop rares, qui mettent au point un système interne pour que les employés, qui remplissent leurs poubelles de bureaux, les trient aussi ? Car entre les bouteilles de verre des restaurants et les papiers des bureaux, combien de déchets recyclables passent entre les mailles du filet.
Le packaging éco responsable idéal serait donc parfaitement biodégradable dans la nature, ou dans un compost de jardin ou encore valorisé sous forme d’énergie grâce à la méthanisation, une technique qui fabrique du carburant à partir de déchets organiques, ménagers ou agricole. Sauf qu’il n’existe pas. A vous de choisir votre combat !